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Samedi 13 mai 2017
THÉÂTRE
CHARLEVILLE-MEZIERES
Michel Bénita / Laura Perrudin / Michele Rabbia Trio
Michel Benita : contrebasse
Laura Perrudin : voix, harpe, effets
Michele Rabbia : batterie, percussions, effets
ÉMILE PARISIEN QUARTET
Emile Parisien : saxophones
Julien Touery : piano
Ivan Gelugne : contrebasse
Julien Loutelier : batterie
photo André Henrot
photo Dominique Rieffel
en partenariat avec le Théâtre de Charleville-Mézières
Une soirée un peu spéciale : suite aux désistements de Lisa Cat-Berro et de Vincent Peirani, le trio Bénita/Perrudin/Rabbia et le quartet d'Émile Parisien se sont finalement produits sur la scène du Théâtre : l'originalité du Trio développant un climat envoûtant pour servir la voix de Laura Perrudin, et la folle énergie du quartet d'Emile Parisien au service de compositions très sophistiquées ont conquis un public parfois dérouté.
La découverte était de taille : en première partie, le trio de Michel Benita, Laura Perrudin et Michele Rabbia navigant aux confins de l'électro, du folk, d'une pop magnifiée par Bjork, a créé la surprise. La magnifique voix de Laura Perrudin est habillée d'électronique et des percussions hors normes de Michele Rabbia. La contrebasse de Michel Benita nous maintient en terre connue, sa pulsation nous ramenant dans les territoires du jazz. La harpe de Laura Perrudin sonne rarement de manière acoustique, mais produit le plus souvent des sonorités inhabituelles, grâce à l'utilisation d'effets électroniques et d'une technique iconoclaste (cordes et caisse frappées à l'aide de mailloches, ajout de différents ustensiles à la manière d'un piano préparé). Bref, c'est un univers sonore et poétique inédit dans lequel on peut aisément se laisser embarquer, si on le découvre sans a priori, comme une bonne partie des spectateurs : le trio n'avait pas prévu suffisamment de disques à vendre à la fin du concert !
Pour le quartet d'Émile Parisien, le défi était de taille. Le duo initialement prévu avec Vincent Peirani, d'après le disque "Belle Époque", était d'un abord relativement facile, mais, en l'absence de Vincent qu'il nous demande d'excuser, Émile présente son quartet et propose une musique plus expérimentale, surtout avec ce nouveau répertoire intitulé "Double Streaming", rappelant que nous sommes de plus en plus connectés simultanément à un ou plusieurs écrans. Le premier morceau, composé par le nouveau batteur du quartet Julien Loutelier s'intitule "Spam" : une courte pièce semblant fuser de toutes parts où les instruments se télescopent avec une précision rare. Un petit chef-d'œuvre d'écriture déroutant qui va donner le ton du concert. Les musiciens sont fantastiques : Julien Touery sort des sonorités inhabituelles de son piano souvent "préparé", à l'aide de ruban adhésif collé sur les cordes. Il est capable de passer d'arpèges subtils à un déferlement de notes impressionnant. Yvan Gélugne assure de manière autoritaire, Julien Loutelier joue la découpe chirugicale, et Émile Parisien se faufile dans tous les interstices, et profite de tous les espaces pour s'envoler. Un son de soprano impressionnant, parfaitement maîtrisé. Il fait corps avec son instrument, et sa gestuelle si particulière est l'illustration de son engagement total. Et lorsqu'il s'empare du ténor pour un morceau, il fait preuve de la même détermination.
La plupart des morceaux proposés sont signés par les autres membres du trio, Émile se contentant d'une interprétation de "Chocolat Citron", tiré de l'album "Chien Guêpe" enregistré par le Quartet en 2012. Sûrement le thème le plus facile de la soirée, et celui sur lequel Émile se lâche le plus. Il faut dire que ses comparses lui préparent la piste de décollage de manière magistrale.
Deux concerts exceptionnels, rassemblant un auditoire surpris et quelque peu réservé et un autre parfaitement enthousiaste, mais tous conscients de la performance remarquable à laquelle ils venaient d'assister.
Patrice Boyer
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